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Au sujet de la fermeture de la chapelle

Jan 16, 19
jerome
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Sur la façade flambant neuve, du côté de l’avenue du Maine, l’horloge a retrouvé sa place. Le sigle SNCF est absent. Pourtant, malgré la prolifération des boutiques, que l’on devine à travers les grandes baies vitrées, ce bâtiment abrite encore une gare ferroviaire ! Au sous-sol, la chapelle est toujours présente, mais fermée pour des raisons indépendantes de notre volonté.

Il y a d’abord les nombreux dégâts occasionnés par les travaux de rénovation de la gare, et dont vous avez été malheureusement témoins : infiltrations d’eau à répétition ; chute de faux-plafond ; chute de gravats ; câbles coupés. Le règlement de ces désordres n’est pas terminé. Il prend du temps : il a fallu faire un constat d’huissier, convoquer différentes réunions avec les représentants de la SNCF, attendre la réponse de notre assureur. Les délais de réponse et d’intervention de la SNCF sont excessivement longs…

A cela s’ajoute le « volet administratif » : ouverte en 1969, la chapelle s’est dotée, au fil des années, d’un système de sécurité incendie. Ses issues de secours sont celles de la copropriété (galerie commune). Aujourd’hui, la préfecture de police nous impose de nouvelles normes de sécurité (isolement aux tiers, càd aux étages supérieurs et inférieurs), ce qui nécessite de réaliser d’importants travaux.

Depuis le mois de juin, les vérifications réglementaires et des mises aux normes ont été effectuées. Les certificats de conformité ont été transmis à la préfecture. Après de longs délais, l’administration nous a demandé fin décembre des documents complémentaires.

Voilà pourquoi, à ce jour, il est impossible de réouvrir la chapelle, ni même de communiquer une date de réouverture. Avec le bénévole en charge de l’immobilier, les services Immobilier et Juridique du diocèse, et notre architecte, nous travaillons depuis plusieurs mois afin de résoudre les différents problèmes. Je les remercie pour le travail accompli et leur ténacité.

Dans l’attente, je vous assure de ma prière fidèle, et je vous prie de patienter encore, avant de pouvoir revenir à la chapelle Saint Bernard.

Père Jérôme Thuault
7 janvier 2019

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Déc 10, 18
jerome
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La chapelle Saint-Bernard est temporairement fermée au public, en raison des travaux engagés par la SNCF pour rénover la gare Montparnasse, et des nuisances qu’ils occasionnent pour la chapelle.

Néanmoins, la chapelle fait face à des charges incompressibles : charges de copropriété, abonnements EDF et téléphone…

En outre, la commission de sécurité nous a imposé des mises aux normes à réaliser en de brefs délais.

Votre soutien financier est donc nécessaire pour assurer la pérennité de la vie de la chapelle, qui vous accueillera, chaque fois que vous avez besoin d’elle !

Comment donner ?

Des enveloppes – avec note d’information et bulletin de don – sont à votre disposition au fond de la chapelle.

Merci de votre soutien !

Père Jérôme THUAULT et les membres du Conseil aux Affaires Economiques

Noël : Jésus abandonné

Déc 08, 18
jerome
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« Vous le reconnaîtrez à ce signe : un nouveau né emmailloté, couché dans une mangeoire ! »

Ce signe pour les bergers… pour Nous encore, ici, le même, parce que Jésus, en son humanité, nous dit quelque chose de définitif. Les années ont pu passer. La vie publique est arrivée, et finalement cet autre emmaillotement dans son linceul, et cette autre couche dans le froid du sépulcre… à y regarder de près, le signe reste le même.

La merveille de Dieu pour nous, la merveille de l’homme pour Dieu, c’est ce petit enfant emmailloté, couché, lié, livré, abandonné !

[…] Et voilà précisément que sur ce berceau d’un nouveau-né, tout abandonné, est proclamée la Bonne Nouvelle de la paix pour les hommes que Dieu aime, les hommes de sa bienveillance, de son bon vouloir ! Paix aux hommes qui s’abandonnent à l’amour de Dieu à la façon de Celui-là, « le Fils de complaisance ».

Cela veut dire :

que l’humanité a désormais un visage pour Dieu, celui de ce tout petit enfant, si dépendant en tout, et librement offert pour le demeurer – stade spirituel qui ne saurait être dépassé ; celui où l’Esprit peut nous murmurer sans aucune retenue : Abba ! Père ! […]

que Dieu prend aussi un autre visage pour l’homme : non plus le Tout-Puissant qui s’impose de haut, de loin, mais ce Dieu qui s’abandonne, faible, dépendant, livré au bon vouloir d’une mère, d’une famille, et aussi aux caprices d’un peuple. En Dieu, le Fils n’est que cela entre les mains du Père. Et c’est cela qu’il vient vivre entre nos mains… pour que nous entrions en correspondance de cœur avec Dieu par la petite voie de Noël, celle de l’abandon amoureux au quotidien de l’Éternel… une petite voie pour nous, ici, maintenant !

Bienheureux Christian de Chergé,
extraits de l’homélie pour la messe de minuit, le 24 décembre 1994

L’Avent : savoir attendre

Déc 02, 18
jerome
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Méditation de frère Aloïs, prieur de Taizé

Et si le temps de l’Avent venait renouveler l’espérance en nous ? Non pas un optimisme facile qui ferme les yeux sur la réalité, mais cette espérance forte qui jette l’ancre en Dieu et qui permet de vivre pleinement dans l’aujourd’hui.

L’année chrétienne commence par l’Avent, le temps de l’attente. Pourquoi ? Pour nous révéler à nous-mêmes l’aspiration qui nous habite et pour la creuser : le désir d’un absolu, vers lequel chacun tend de tout son être, corps, âme, intelligence, la soif d’amour qui brûle en chacun, du nourrisson jusqu’à la personne âgée, et que même l’intimité humaine la plus grande ne peut pas entièrement apaiser.

Cette attente, nous la ressentons souvent comme un manque ou un vide difficile à assumer. Mais loin d’être une anomalie, elle fait partie de notre personne. Elle est un don, elle nous conduit à nous ouvrir nous-mêmes, elle oriente toute notre personne vers Dieu.

Osons croire que le vide peut être habité par Dieu et que déjà nous pouvons vivre l’attente avec joie. Saint Augustin nous y aide quand il écrit : « Toute la vie du chrétien est un saint désir. Dieu, en faisant attendre, étend le désir ; en faisant désirer, il étend l’âme ; en étendant l’âme, il la rend capable de recevoir… Si tu désires voir Dieu, tu as déjà la foi. »

Frère Roger aimait cette pensée d’Augustin et c’est dans cet esprit qu’il priait : « Dieu qui nous aimes, quand nous avons le désir d’accueillir ton amour, ce simple désir est déjà le commencement d’une foi toute humble. Peu à peu au tréfonds de notre âme s’allume une flamme. Elle peut être toute fragile mais elle brûle toujours. »

La Bible met en valeur le long cheminement du peuple d’Israël et montre comment Dieu a lentement préparé la venue du Christ. Ce qui est passionnant dans la Bible, c’est qu’elle raconte toute l’histoire de l’amour entre Dieu et l’humanité. Cela commence par la fraîcheur d’un premier amour, puis viennent les limites et même les infidélités. Mais Dieu ne se fatigue pas d’aimer, il cherche toujours son peuple. En fait, la Bible est l’histoire de la fidélité de Dieu. « Une femme oublie-t-elle son petit enfant ? Même s’il y en avait une qui oubliait, moi je ne t’oublierai pas. » (Is 49.15)

Lire cette longue histoire peut éveiller en nous le sens des lentes maturations. Parfois nous voudrions tout, tout de suite, sans voir la valeur du temps du mûrissement ! Mais les psaumes nous ouvrent une autre perspective : « Mes temps sont dans ta main, Seigneur. » (Ps. 31.16)

Savoir attendre … Etre là, simplement, gratuitement. Se mettre à genoux pour reconnaître, même avec le corps, que Dieu agit tout autrement que nous l’imaginions. Ouvrir les mains, en signe d’accueil. La réponse de Dieu nous surprendra toujours. En nous préparant à Noël, l’Avent nous prépare à l’accueillir.

Même si nous n’arrivons pas toujours à exprimer notre désir intérieur par des paroles, faire silence est déjà l’expression d’une ouverture à Dieu. Pendant cette période de l’Avent, nous nous rappelons que Dieu lui-même est venu, à Bethléem, dans un grand silence.

Le vitrail de l’Annonciation, qui se trouve dans l’église de Taizé, fait voir la Vierge Marie toute recueillie et disponible, elle se tient en silence dans l’attente que se réalise la promesse de l’ange de Dieu.

Comme la longue histoire qui a précédé le Christ a été le prélude à sa venue sur la terre, de même l’Avent permet pour nous chaque année une ouverture progressive à la présence du Christ en nous. Jésus discerne notre attente comme il a discerné un jour celle de Zachée. Et comme à lui, il nous dit : « Il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. » (Luc 19.5)

Laissons naître en nous la joie de Zachée. Alors nos cœurs comme le sien s’ouvriront aux autres. Lui décide de donner la moitié de ses biens aux pauvres. Nous, aujourd’hui, nous savons qu’une grande part de l’humanité a soif d’un minimum de bien-être matériel, de justice, de paix. Pendant le temps de l’Avent, y a-t-il des solidarités que nous pouvons assumer dans notre vie ?

Les textes qui sont lus dans la liturgie pendant l’Avent expriment comme un rêve de paix universelle : « grande paix jusqu’à la fin des lunes » (Ps 72,7), « une paix sans fin » (Is 9,6), une terre où « le loup habite avec l’agneau » et où il n’y a plus de violence (Is 11,1-9).

Ce sont des textes poétiques mais ils réveillent en nous une ardeur. Et nous voyons que « la paix sur la terre » peut germer dans des réconciliations qui s’accomplissent, dans la confiance que les uns retrouvent avec les autres. La confiance est comme un petit grain de moutarde qui va croître et, peu à peu, devenir le grand arbre du règne de Dieu où s’étend une « paix sans fin ». La confiance sur la terre est un humble début de la paix.

POUR UNE TOUSSAINT SANS LIMITES

Oct 30, 18
jerome
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Méditation d’Olivier Clément

parue dans Le Christ est ressuscité. Propos sur les fêtes chrétiennes, Desclée de Brouwer, 2000

« Les choses saintes sont aux saints », dit la liturgie byzantine avant la communion. Et le chœur répond « Un seul est saint, Jésus Christ… » Un seul est saint : mais tous ceux que l’eucharistie intègre au corps du Christ participent à cette sainteté. Tout être humain, créé à l’image de Dieu, participe à cette sainteté. Un arbre, une pierre, autant de paroles du Verbe, y participent à leur manière. L’Église déborde ses limites canoniques pour préserver et approfondir à l’infini cette sainteté, celle de l’existence universelle que porte et pénètre l’Esprit.

Dans le christianisme primitif, toute communauté était nommée « église des saints », une communion (caritas, agapè) de sauvés-sauveurs appelés à prier, témoigner, servir pour que se manifeste, en tout être et en toute chose, la Résurrection. Car la sainteté, c’est la vie enfin libérée de la mort.

Peu à peu, on s’est rendu compte que certains étaient de meilleurs témoins. Les martyrs d’abord, et il y en eut tant au IIIsiècle et au début du IVe que l’Église syrienne (qui fut longtemps le moteur et le modèle du monde chrétien) institua une fête de tous les martyrs. Plus tard, à Rome, le Panthéon, temple de tous les dieux, le devint de tous ces témoins : rigoureuse coupole où s’exprime la vieille pietas romaine avec, à son sommet, une ouverture par où l’on voit l’azur, parfois un oiseau… En Orient, vers la même époque, on consacra à tous les saints, fort logiquement, le dimanche qui suit la Pentecôte. En Occident, après bien des variantes locales, la fête fut fixée, en 835, au 1er novembre. Or, ce moment était déjà chez les Celtes fête de tous les morts. Ce crépuscule de l’année convenait, pensaient-ils, à la célébration de ces voyageurs d’inter-mondes. Le coup de génie de l’Occident chrétien, c’est d’avoir placé la Toussaint avant ce « jour des morts », d’avoir mis en avant des morts, et les entraînant dans leur sillage, les saints, ceux qui savent qu’il n’y a plus de mort dans le Ressuscité. Car il s’interpose à jamais entre le néant et nous, il entraîne les morts dans l’immense fleuve de vie de la communion des saints.

Aujourd’hui, dans la société sécularisée, où l’on voit peu mourir, où l’on ne connaît quelques figures de sainteté que déformées par les médias, ou bien cette fête, chez les jeunes surtout, est oubliée, ou bien le jour des morts absorbe et gomme la Toussaint. On se rend encore dans les cimetières, on nettoie les tombes, on dépose sur elles des chrysanthèmes. La plupart ne prient pas, ils ne savent plus ; cependant il y a un silence, un recueillement où se brouille la

limite entre la mort et la vie, comme chez les Celtes d’autrefois. Nous qui tentons d’être chrétiens, nous devrions rendre tout son sens à la Toussaint, pour qu’elle embrasse, pour qu’elle embrase le jour des morts. Jésus a dit : « Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 25) : vers lui les saints ouvrent la voie, eux qui, le sachant ou non, se sont ici-bas identifiés au seul Vivant. Le sachant, comme saint Paul qui disait : « Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 12). Ou ne le sachant pas, comme tous ceux qui ont donné au plus petit nourriture, vêtement, maison, amitié, et par là les ont donnés au Christ (Mt 25, 37-40).

Il y a beaucoup plus de saints que nous n’imaginons. Certains, certes, sont reconnus, on sait et c’est pourquoi on se confie à leurs prières – qu’ils font en quelque sorte circuler l’amour dans le Corps du Christ et, sans doute, dans le monde entier devenu secrètement eucharistie. Mais il nous arrive aussi, lorsque nous prions pour un homme ou une femme qui vient de nous quitter, de lui demander de prier pour nous. La sainteté est aussi dans la communion, il faut donner la main, disait Péguy, c’est la vision englobante de l’Église ancienne, « Église des saints », qui revient. Oui, la sainteté, authentifiée, d’un individu extraordinaire, sur la tombe duquel se produisent des miracles, nous importe peut-être moins, me semble-t-il, que la communion des saints, une communion ouverte qui sanctifie l’humanité et l’univers. Il y a beaucoup de saints inconnus, parfois incongrus, dont la bonté désintéressée, la force calme, laprésence rassurante et joyeuse, l’humble capacité non seulement de servir mais de créer font, si j’ose dire, des ravaudeurs de l’existence universelle, sans cesse déchirée par les puissances perverses du néant. Il faudra bien que l’Église se décide, oh ! non pas à canoniser, mais à ouvrir les yeux, à nous ouvrir les yeux sur la sainteté vivante, créatrice, trouée de ténèbres, trouant les ténèbres, des faiseurs de justice, de paix, de beauté – tous ces très ordinaires « chevaliers de la foi », pour parler comme Kierkegaard –, tous ces héros aussi de l’humaine grandeur, un Rembrandt, un Dostoïevski, ou cette Simone Weil qui pensait que la plus grande grâce est de savoir vraiment que les autres existent…

La Toussaint ouvre nos yeux sur la sainteté secrète de chaque personne, voire sur la sainteté de la terre – et c’est pourquoi nous aimons le « Cantiques des créatures » de saint François. La Toussaint, précédant, illuminant, le jour des morts, nous rappelle que le Christ ne cesse de vaincre la mort et l’enfer. Un moine de l’Athos disait au starets Silouane que tant qu’une âme, se murant dans son refus, serait en enfer, le Christ y serait avec elle, et tous les sauvés, priant avec lui qu’elle s’ouvre à l’universelle, à l’éternelle « Tous-Saints ».

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Oct 11, 18
jerome
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CENTENAIRE DE L’ARMISTICE 11 nov 1918 – 11 nov 2018

Témoignages de la Grande Guerre

♦ Extraits de la LETTRE D’ELISE BIDET A SON FRÈRE, LE POILU EDMOND MASSE, ET A SES PARENTS VIGNERONS DANS L’YONNE.  (in : Paroles de Poilus, ed Librio 1998)

Mercredi 13 novembre 1918
Mon cher Edmond,
Enfin c’est fini. On ne se bat plus ! On ne peut pas le croire, et pourtant c’est vrai ! c’est la victoire comme on ne l’espérait pas au mois de juin dernier, et même au 15 juillet ! Qui aurait osé espérer à cette époque une victoire aussi complète ! Et en si peu de temps, pas quatre mois, c’est merveilleux ! Je ne sais pas comment vous avez fêté l’armistice à Jussy (…)   Ici, à Paris, on l’a su à 11 heures par le canon et les cloches ; aussitôt tout le monde a eu congé partout ; aussitôt les rues étaient noires de monde.  Toutes les fenêtres pavoisées, jamais je n’ai tant vu de drapeaux (…). Tout le monde a sa cocarde… tous les ateliers en bandes, hommes et femmes bras dessus bras dessous, drapeaux en tête, parcouraient en chantant les boulevards et les grandes avenues…Et les Américains juchés sur leurs camions n’ont pas cessé de parcourir la ville… Quelle ovation sur leur passage ! Et les quelques poilus en perme, quelle fête on leur faisait aussi ! … Et cette vie a duré lundi après-midi et mardi toute la journée. (…)
Tout cela, c’est bien beau et combien de cœurs en joie, mais aussi combien d’autres pleurent les leurs qui ne voient pas ce beau jour. Mais que leur chagrin aurait été encore plus grand si la mort des leurs n’eût servi à rien ! (…) Tu vois, maman, que j’avais raison quand je te disais d’espérer, que tu ne voulais pas croire que nous aurions le dessus. (…)  J’avoue que j’ai désespéré bien des fois aussi en dernier ; nous avions eu tant de désillusions. Tout de même, quel honneur pour Foch et Clemenceau ! On les porte en triomphe et c’est mérité. Et toi, Jeanne, ta joie doit être grande aussi mais pas sans ombre. Tu dois avoir aussi gros au cœur de pense que tes deux frères ne verront pas un si beau jour, eux qui y ont si bien contribué ; mais qui sait s’ils ne le voient pas ! Je comprends la peine que tes parents doivent ressentir en pensant à vos chers disparus et surtout quand les autres rentreront. Il n’y  pas de joie sans douleur ; dis-leur bien que je prends d’autant part à leur peine que je la ressens moi-même. Maurice et moi avons tant prié et vous aussi sans doute que Edmond nous revienne sain et sauf ; nous avons été exaucés ; remercions Dieu. Quand rentre-t-il à Lyon et pour combien de temps ? Quand sera-t-il libéré. Les pourparlers de paix vont-ils durer longtemps ? Peut-être jusqu’au printemps ? Enfin le principal, c’est qu’on ne se batte plus. (…) Sois heureuse, maman, ton fils te sera rendu ; tu seras récompensée de ses peines.  Bien joyeux baisers de nous deux à tous les quatre.

♦ Extraits de la  LETTRE de CHARLES-RENÉ MENARD A SA FEMME (in : Paroles de Poilus, ed Librio 1998)

Nantes, le 11 novembre 1918, Chefferie de Nantes.
L’officier du Génie Menard  à Madame sa femme.

Ma chérie. Que n’ai-je été aujourd’hui près de toi, avec nos chers enfants ?
C’est dans un petit village breton, Saint Vincent (près de Malestroit) que j’ai vu le visage de la France en joie. J’étais parti de Nantes à 9 heures. On y disait que l’armistice était signé. Mais depuis trois jours ce bruit courait sans cesse … et les cloches restaient muettes. 10 heures : Savenay est calme ; 10h30 : Pontchâteau est calme ; 11h30 Redon : une grande animation, mais c’est la foire, … Des drapeaux, mais pas de bruit : midi sonne, l’Angélus trois tintements triples, le branle, le branle de chaque jour.  Il faut attendre…
La route de Malestroit… et nous voici dans un village. A droite la mairie, pavoisée, au fond l’église pavoisée, mais dans le halètement du moteur qui s’arrête…les cloches, les cloches à toute volée et, sortant de l’église, une troupe d’enfants : 60, peut-être 100 petits enfants de France, la classe 30 de Saint Vincent, en Morbihan, drapeaux en tête, avec le curé en serre-file qui les pousse et les excite, et des gens qui font des grands gestes. Vite hors de la voiture, et les hommes et les femmes qui sont les plus près se précipitent vers nous. Il n’est besoin d’aucune explication. (…)
Accolade au curé dont la main tremblante tient la dépêche jaune : « L’armistice est signé. Les hostilités cessent aujourd’hui à 11heures. Je compte sur vous pour faire sonner les cloches. » Poignées de main au maire, M. de Piogé, à un autre notable (…) Nos alliés sont acclamés ; on crie : « Vive la France et vive l’Amérique ! Vive Foch, vive Joffre ! » On remercie Dieu et le poilu ; et le curé montre son grand drapeau du Sacré-Cœur qui flotte triomphant sur le parvis de son église. Chacun pense à ceux des siens dont le sacrifice a gagné cette heure. Les larmes coulent sans qu’on cherche à les cacher, mais les visages rient : le visage de la France est joyeux.  Je voudrais voler vers toi, les enfants, ta mère et tous… Et je me réjouis, puisque je n’étais pas auprès de toi en ce moment unique, d’avoir au moins vécu cette heure dans un petit village breton, simple, sincère, humble, plutôt que dans une ville en délire.  Et maintenant, partout les cloches nous accompagnent…

♦ Extraits de l’ENCYCLIQUE DU PAPE BENOIT XV ordonnant des prières publiques pour la Conférence de la paix

Vénérables Frères, salut et bénédiction apostolique.  Ce que l’univers attendait anxieusement depuis si longtemps, ce que tous les peuples chrétiens demandaient en leurs prières et que Nous-même, interprète des communes douleurs, Nous cherchions ardemment avec la paternelle sollicitude que Nous avons pour tous, Nous l’avons vu se réaliser soudain, et les armes se sont enfin reposées. La paix n’a pas encore, sans doute, sous une forme solennelle, mis un terme à cette guerre très cruelle : cependant, l’armistice qui a interrompu partout, sur terre, sur mer, dans les airs, le carnage et les dévastations a ouvert heureusement la porte et les avenues à la paix. Pourquoi ce changement s’est il subitement produit ? on en pourrait indiquer, à coup sûr, des causes variées et multiples. Mais si on en cherche la raison dernière et suprême, il faut que l’esprit s’élève enfin vers Celui duquel tout dépend, et qui, touché de miséricorde par l’instante supplication des bons, accorde au genre humain la libération d’angoisses et de deuils si prolongés.
Aussi, de grandes actions de grâces doivent-elles être rendues à Dieu, et Nous Nous réjouissons d’avoir vu dans tout l’univers catholique de nombreuses et éclatantes manifestations de la piété publique. Il reste à obtenir maintenant de la bonté divine qu’elle mette en quelque sorte le comble à son bienfait, et qu’elle complète le don accordé au monde. Ces jours-ci, en effet, doivent se réunir ceux qui, en vertu du mandat des peuples, doivent instituer dans le monde une paix juste et durable : jamais délibération plus importante ni plus difficile n’aura été confiée à une assemblée humaine. Ils ont donc, au plus haut point, besoin de la lumière divine, afin de pouvoir mener leur tâche à bon terme. Le salut commun est, ici, hautement intéressé, et tous les catholiques qui, à raison même de leurs croyances, mettent à très haut prix le bien et la tranquillité humaine, ont à coup sûr le devoir d’obtenir, par leurs prières, à ces hommes éminents l’assistance de la sagesse divine.
Nous voulons que tous les catholiques soient avertis de ce devoir. C’est pourquoi, afin que les réunions prochaines produisent ce grand don de Dieu, qui est la paix véritable, vous aurez soin, vénérables Frères, en invoquant le Père des lumières, d’ordonner, sous la forme que vous préférerez, des prières publiques dans chacune des paroisses de vos diocèses. (…)
Donné à Rome, le 1er décembre 1918, de Notre pontificat le cinquième.
BENOIT XV, Pape

♦ Extraits de la LETTRE DE L’ABBE BOHAN au curé de l’église ND des Champs (in : bulletin de la paroisse Notre Dame des Champs (Paris) n°1918/11/30)

Mon cher ami, deux mots à la hâte pour vous dire que je suis de cœur avec vous dans la joie de la victoire. (…)   J’ai eu dimanche dernier une émotion bien vive et bien profonde…c’était l’avant-goût de la victoire.  A 6h du matin, par un épais brouillard, je partais en auto dans une jolie petite bourgade du département des Ardennes pour célébrer la Sainte Messe. Elle devait être, comme chaque dimanche, à 8h pour que les officiers qui le désirent à l’Etat-major puissent y assister (…).  Quel étonnement j’éprouvais d’apercevoir…des civils à la figure souriante, malgré les privations et les mauvais traitements dont ils portent encore sur leur front les stigmates. Des civils ! depuis  6 semaines je n’en avais pas vu.Le bourg était évacué de la veille et notre général y était entré au milieu d’une véritable ovation. La messe de 8 heures était dite par un vénérable prêtre du diocèse de Reims, aumônier d’un asile de vieillards(…). On me demande donc de dire la messe de 10h et quelle messe. Eglise archi-comble. Tous les civils et toutes les femmes y assistaient avec nos officiers et nos braves poilus. Tous de tout leur cœur chantèrent la grand-messe. Je ne crus pas pouvoir me dispenser de leur dire un mot.
« Je croirais manquer à mon devoir de prêtre et de français si je ne vous aidais pas, ce matin dans une courte exhortation, à rendre grâce au Seigneur pour que nos cœurs battant à l’unisson puissent faire monter vers Dieu, cause de notre joie, leurs remerciements et leur reconnaissance.  Il était avec nous pendant cette longue guerre le Bon Dieu, c’est-à-dire le Christ Rédempteur, il faut qu’aujourd’hui au jour de la délivrance nous soyons avec Lui –de tout cœur- malgré tout leur talent et toute leur vaillance nos généraux et nos soldats n’auraient pu gagner la victoire si Dieu n’avait pas été avec nous !
Remercions-le. Nous avons la victoire, c’est à Lui, auteur de tout, que nous la devons.(…)
Les braves gens qui m’écoutaient avaient des larmes aux yeux …De tout leur cœur ils ont prié les braves gens et chanté de tout leur cœur le Te Deum au son des cloches.
La sortie de l’Eglise fut une vraie ovation pour notre général dont ils embrassaient les mains pour lui témoigner ainsi leur reconnaissance et leur joie d’être redevenus Français.
Belle journée, cher ami, Gratias Deo supe inenarrabili dono ejus.  Ah ! c’est la paix.  On ne peut y croire tant on est heureux.  Prions ensemble pour nos morts qui nous l’ont gagnée cette paix et pour l’union de toutes les âmes françaises.

♦ Extraits de l’ ALLOCUTION PRONONCÉE A NOTRE-DAME DE PARIS AU « TE DEUM » de la victoire par  S.E. le Cardinal AMETTE, 17 novembre 1918

(…). Et nous avons voulu tout d’abord faire mémoire des martyrs de cette grande cause, des vaillants officiers et soldats qui, sur terre, sur mer ou dans les airs, ont donné leur vie pour la faire triompher. Toutes les voix qui se sont élevées en ces jours pour saluer ce triomphe ont évoqué leur souvenir et leur ont rendu hommage.  Notre hommage à nous, croyants,  le seul qui puisse leur être utile dans le monde de l’au-delà où ils sont entrés, c’est une prière. Nous demandons à Dieu de leur donner à tous sans retard, en récompense de leur sacrifice, la gloire et le bonheur de l’éternité.  C’est là qu’il faut les voir, ô vous qui les pleurez, (…)
Cette victoire, quatre années durant, nos prières unanimes et persévérantes l’avaient implorée de Dieu. De tous les pays alliés, des supplications ardentes, publiques ou privées,  montaient sans se lasser vers le ciel, confiantes dans la justice de notre cause. Le courage des combattants, les souffrances des blessés, le sacrifice des mourants, les larmes des épouses et des mères donnaient à ces supplications une puissance à laquelle ne résiste pas le cœur du Dieu infiniment bon.  Et aujourd’hui nous sommes exaucés. Le triomphe est venu, plus rapide, plus éclatant, plus complet que nous n’osions l’espérer. Oui gloire et actions de grâces en soient rendues à Dieu.   Est-ce à dire qu’en glorifiant  Dieu nous rabaissions le mérite de ceux qui ont gagné la guerre ? Est-ce à dire que nous méconnais-sions le génie des chefs, l’héroïsme des soldats, la puissance des armements, les efforts surhumains des nations alliées ? N’est-ce pas au contraire décerner à l’homme un suprême honneur que de proclamer qu’il a eu Dieu pour coopérateur dans une grande œuvre ?  Et ne sont-ils pas les premiers à rendre le même témoignage, nos grands généraux vainqueurs ? C’est la pensée souvent exprimée de cet illustre maréchal de France, auquel il a été donné d’achever l’œuvre de victoire et de libération et vers qui vont l’admiration et la gratitude du monde entier : « Quelle serait ma satisfaction, m’écrivait-il  il y a trois jours, de me joindre à vous dimanche pour chanter un Te Deum d’actions de grâces dans notre vieille basilique nationale : Ce Te Deum, je le chanterai de tout cœur là où m’appelleront mes fonctions, à Paris si elles m’y amènent, à l’église de mon quartier général dans le cas contraire, réunissant ainsi mes devoirs envers Dieu et envers la patrie.»    (…)

Message de Mgr Aupetit

Sep 07, 18
jerome
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Message de Mgr Aupetit aux fidèles du diocèse de Paris

À propos de la « Lettre du pape François au Peuple de Dieu » du 20 août 2018

 

Paris, dimanche 9 septembre 2018

Chers frères et sœurs,

La fin de l’été a été marquée par la révélation d’une enquête de grande ampleur autour d’abus sexuels divers qui ont blessé profondément des personnes et qui ont fragilisé la confiance des fidèles envers l’Église.

Le pape François a choisi de s’adresser à tous dans une « Lettre au Peuple de Dieu ». Elle marque une étape supplémentaire dans un combat engagé résolument depuis le pontificat de Benoît XVI. J’ai demandé à tous les curés de Paris de bien vouloir vous transmettre ce message.

 

Comment allons-nous répondre à cet appel ?

« L’ampleur et la gravité des faits exigent que nous réagissions de manière globale et communautaire » (Pape François, Lettre au Peuple de Dieu, 2). J’appelle chaque fidèle du diocèse, laïcs, prêtres, diacres et consacrés, à prendre le temps de lire attentivement cette lettre.

 

« Il est urgent de réaffirmer une fois encore notre engagement pour garantir la protection des mineurs et des adultes vulnérables » (Lettre au Peuple de Dieu, introduction). Je voudrais vous redire combien le diocèse de Paris est pleinement engagé dans ce processus depuis des années, avec un dispositif renforcé pour l’écoute des personnes blessées, l’accompagnement, la pleine collaboration avec les autorités civiles et la prévention. À la suite du pape François, j’appelle chacun à ne jamais choisir un silence complice avec le mal, en gardant toujours le sens de la responsabilité : « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu » (Matthieu 10, 26).

 

« Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. » (2, §4)

Voyons dans ces paroles du pape un appel à une conversion profonde pour en finir avec une « culture de l’abus » qui concerne aussi bien les abus sexuels, de pouvoir et de conscience. Au mois de juin, lors de la messe d’ordination des nouveaux prêtres, je rappelais combien « ce qui nous est remis, c’est l’autorité qui consiste à faire grandir, en les respectant, ceux vers qui nous sommes envoyés » (Homélie du 24 juin 2018). Le prêtre est au service de la vie des baptisés. Pasteurs et laïcs, en nous soutenant les uns les autres dans nos missions propres, puissions-nous porter au monde la vie du Christ, pauvre, chaste et obéissant.

 

Je demande aux conseils pastoraux et à tous les responsables de communautés, à partir de ce qui a déjà été mis en œuvre dans le diocèse, de travailler aux moyens concrets d’éviter de tels scandales. En portant ensemble la souffrance des victimes, dans l’espérance invincible que Dieu nous donne, je vous bénis en cette rentrée et me confie à votre prière.

 

+ Michel Aupetit

Archevêque de Paris

Diagnostic

Août 26, 18
jerome
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Dans son éditorial du 26 août, le père Jean-Loup Lacroix, curé-doyen de Saint-Sulpice (6e) exprime sa souffrance face au scandale de la pédophilie qui secoue l’Eglise et commente brièvement la lettre que le Pape François a adressée au peuple de Dieu, en date du 20 août. Nous reproduisons ici son propos.

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La belle fête de ce 15 août s’est transformée pour nous en jour de deuil. Une enquête publiée ce jour-là, montre le nombre effrayant des enfants qui furent les victimes de prêtres dans un état américain depuis 70 ans. Elle montre aussi comment leurs souffrances furent mésestimées et les crimes commis systématiquement dissimulés.

Je veux dire ma honte. Les prêtres criminels sont mes frères. Ceux qui n’ont pas pris les mesures appropriées sont des pasteurs de l’Église, comme je le suis à mon niveau.

Il m’arrive souvent de faire mon propre examen de conscience. J’ai été supérieur d’un grand séminaire. Ai-je toujours fait tout ce qu’il fallait ? Dans les affaires les plus lamentables que j’ai eu à connaître aucun enfant n’était en cause. Si cela avait été le cas, qu’aurais-je fait ?

Nos évêques sont accusés pour leurs négligences, et aussi pour leurs erreurs de jugement. Je sais par expérience personnelle qu’on peut ne pas avoir été négligent et se tromper quand même. La confiance que l’on fait à quelqu’un n’est pas toujours récompensée.

Le Pape a pris la parole. Il nous dit que la crise des abus des prêtres est une épreuve pour toute l’Église. C’est le Peuple de Dieu tout entier qui doit se mobiliser pour affronter la crise où nous sommes. Son diagnostic est plus précis. Pour lui, une partie importante du problème, c’est le cléricalisme.

Je suis persuadé que ce diagnostic est juste. C’est là où les pasteurs de l’Église s’attribuent des droits et immunités qu’ils n’ont pas à avoir que des hommes pervers peuvent trouver place dans le clergé. Surtout, une Église corrompue par le cléricalisme est une Église qui ne regarde pas dans la bonne direction. Elle se complaît en elle-même au lieu de se tourner vers les « petits ». Pourquoi est-on resté si indifférent au sort des victimes ? Le Pape résume ainsi sa réponse : « Nous avons négligé et abandonné les petits. »

Le Pape demande que l’Église tout entière se mette en prière et qu’on aille jusqu’à jeûner. Là aussi, il a raison.

Père Jean-Loup Lacroix
Curé-doyen de la paroisse Saint-Sulpice

L’appel à la sainteté #4

Juil 05, 18
jerome
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Après avoir identifié des critères de sainteté dans l’Ecriture (l’Evangile des Béatitudes (Mt 5), d’une part, et la parabole du Jugement dernier (Mt 25) d’autre part), le pape François donne des orientations précises pour vivre la sainteté aujourd’hui. Il n’a pas la prétention de nous transmettre un cadre très détaillé, mais plutôt « quelques caractéristiques » nous permettant de vivre à la manière du Christ dans le monde contemporain.

Le contexte dans lequel nous vivons est marqué par « l’anxiété nerveuse et violente qui nous disperse et nous affaiblit ; la négativité et la tristesse ; l’acédie commode, consumériste et égoïste ; l’individualisme et de nombreuses formes de fausses spiritualité sans rencontre avec Dieu. » (GE n°111) Fort de ce constat, le pape François nous confie 5 recommandations pour répondre avec sainteté aux défis de notre temps :

  • « Endurance, patience et douceur » : trois facettes d’une même attitude, afin d’être en paix, même lorsque tout s’agite autour de nous. Il faut s’humilier, à l’exemple du Christ, écrit François, même si « le monde se moque d’une pareille proposition » (GE n°120).
  • « joie et sens de l’humour » : véritable leitmotiv du pape François, qui a consacré une large place à la joie dans tous les grands textes de son pontificat
  • « audace et ferveur » : afin de ne pas vivre paralysés par le peur mais toujours portés par le dynamisme de l’Esprit
  • « en communauté » : car le combat pour la sainteté peut s’avérer difficile à mener. Il est beau de parcourir ensemble ce chemin. Le pape François rappelle ceux que l’Eglise a canonisés ensemble : les sept fondateurs de l’ordre des Servites de Marie, saint Paul Miki et ses compagnons (martyrs au Japon), les moines de Tibhirine (qui seront béatifiés prochainement).
  • « en prière constante » : car la sainteté commence dans la contemplation de celui qui est le seul Saint.

se procurer l’exhortation apostolique (3,50 €)


L’appel à la sainteté #3

Le chapitre 3 de Gaudete et Exsultate rappelle les principaux critères de sainteté, que le pape François extrait de deux textes fondamentaux de l’Evangile : les Béatitudes (Mt 5) et la parabole du jugement dernier (Mt 25,31-46).

Fidèle à son habitude, le pape nous exhorte à prendre au sérieux l’Evangile, et en cherchant à le mettre en pratique. Il connait bien la tentation – répandue dans notre pays – de réduire le texte biblique à un objet d’étude. « Le christianisme est d’abord fait pour être pratiqué, et s’il est objet de réflexion, ceci n’est valable que quand il nous aide à incarner l’Evangile dans la vie quotidienne » (GE n°109).

Chaque commentaire des béatitudes se termine par cette conclusion: « c’est ça la sainteté! »

  • Être pauvre de cœur, c’est cela la sainteté !
  • Réagir avec une humble douceur, c’est cela la sainteté !
  • Savoir pleurer avec les autres, c’est cela la sainteté !
  • Rechercher la justice avec faim et soif, c’est cela la sainteté !
  • Regarder et agir avec miséricorde, c’est cela la sainteté !
  • Garder le cœur pur de tout ce qui souille l’amour, c’est cela la sainteté !
  • Semer la paix autour de nous, c’est cela la sainteté !
  • Accepter chaque jour le chemin de l’Évangile même s’il nous crée des problèmes, c’est cela la sainteté !


L’appel à la sainteté #2

Dans le chapitre 2 de son exhortation, le pape François met en garde contre « deux ennemis subtils » de la sainteté. Il s’agit de deux attitudes qu’il considère comme particulièrement pernicieuses. Du reste, il les avait déjà dénoncées dans sa première exhortation « la joie de l’Evangile. » (GE n°94)

Gnosticisme et pélagianisme : voilà deux attitudes qui sont incompatibles avec la sainteté chrétienne. Les termes ne datent pas d’aujourd’hui puisqu’il s’agit, en réalité, de deux hérésies chrétiennes des premiers siècles, et qui tendent à réapparaitre sous des formes nouvelles à notre époque.

Les gnostiques réduisaient la foi à un savoir, exaltant la connaissance, et oubliant que c’est toujours le Seigneur qui fait le premier pas. Il se révèle à nous. « Il a toujours été très clair – écrit François – que la perfection des personnes se mesure par leur degré de charité et non par la quantité des données et des connaissances qu’elles accumulent. »

En bref, s’il est important d’approfondir sa foi, cherchant à mieux connaitre les Ecritures ou la doctrine de l’Eglise, attention à la fausse sécurité que provoque la connaissance ! L’humilité reste la voie la plus sûre de sainteté.

Le pélagianisme consiste à exalter la volonté humaine. Or la sainteté n’est pas uniquement question de volonté ou de force personnelle. Citant une formule de St Bonaventure, François rappelle que « tous ne peuvent pas tout »,. « L’absence de la reconnaissance sincère, douloureuse et priante de nos limites est ce qui empêche la grâce de mieux agir en nous » (n°50)

Devenir saint demande certainement un effort, une conversion de notre part… mais le premier pas à accomplir, c’est de laisser la grâce de Dieu pénétrer dans nos vies.

texte intégral sur le site vatican.va


L’appel à la sainteté #1

Pour ce temps de Pâques, le pape François nous a offert un petit texte « lumineux », comme s’il voulait s’assurer que nous ne vivions pas cette Pâque de façon routinière, mais comme une véritable résurrection !

Dans son exhortation apostolique intitulée Gaudete et exsultate, François nous invite à accueillir à frais nouveau l’appel à la sainteté. Se refusant à écrire un traité sur la sainteté, il préfère – dans le 1e chapitre – nous interpeller et nous faire partager son expérience de pasteur. Il a rencontré, accompagné tant de personnes qu’il a en mémoire de nombreux témoignages de saints : « les parents qui éduquent leurs enfants avec amour, les hommes et les femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, les malades et les religieuses âgées qui continuent de sourire… » (n°7)

En nous parlant des « saints de la porte d’à côté », le pape fait un clin d’œil à Madeleine Delbrêl, qui après sa conversion et son installation à Ivry avec quelques compagnes, avait découvert la « sainteté des gens ordinaires. »

Nous sommes tous concernés par l’appel de Dieu à « embellir » nos vies par l’accueil de l’Evangile. Le défi, écrit le pape, est de « vivre son propre engagement de façon à ce que les efforts aient un sens évangélique et nous identifient toujours davantage à Jésus-Christ ! » (n°28)

« Laisse la grâce de ton baptême porter du fruit dans un cheminement de sainteté ! »  (n°15)

Jérôme Thuault +

La « mystique » de vivre ensemble – 7e dim de Pâques

Mai 14, 18
jerome
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Avant de quitter les siens pour partir vers le Père, le Seigneur, dans une belle prière, pria afin que soient gardés dans l’unité ceux qu’il avait rassemblés (Jn 17, 12).

C’est le mystère de l’Eglise qui est placée sous nos regards, ce dimanche : communauté fragile, instrument de salut, corps mystique du Christ. Dans son exhortation apostolique intitulée La joie de l’Evangile, le pape François avait pris le temps de nous redire combien la dimension communautaire est fondamentale pour que nos vies chrétiennes s’épanouissent et que le message de l’Evangile soit annoncé au monde. « Ne nous laissons pas voler la Communauté ! », avait-il conclu. Prenons le temps aujourd’hui de relire ses propos.

 


Oui aux relations nouvelles engendrées par Jésus Christ

87. De nos jours, alors que les réseaux et les instruments de la communication humaine ont atteint un niveau de développement inédit, nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage. Ainsi, les plus grandes possibilités de communication se transformeront en plus grandes possibilités de rencontre et de solidarité entre tous. Si nous pouvions suivre ce chemin, ce serait une très bonne chose, très régénératrice, très libératrice, très génératrice d’espérance ! Sortir de soi-même pour s’unir aux autres fait du bien. S’enfermer sur soi-même signifie goûter au venin amer de l’immanence, et en tout choix égoïste que nous faisons, l’humanité aura le dessous.

88. L’idéal chrétien invitera toujours à dépasser le soupçon, le manque de confiance permanent, la peur d’être envahi, les comportements défensifs que le monde actuel nous impose. Beaucoup essaient de fuir les autres pour une vie privée confortable, ou pour le cercle restreint des plus intimes, et renoncent au réalisme de la dimension sociale de l’Évangile. Car, de même que certains voudraient un Christ purement spirituel, sans chair ni croix, de même ils visent des relations interpersonnelles seulement à travers des appareils sophistiqués, des écrans et des systèmes qu’on peut mettre en marche et arrêter sur commande. Pendant ce temps-là l’Évangile nous invite toujours à courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa souffrance et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps. La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliation avec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse.

89. L’isolement, qui est une forme de l’immanentisme, peut s’exprimer dans une fausse autonomie qui exclut Dieu et qui pourtant peut aussi trouver dans le religieux une forme d’esprit de consommation spirituelle à la portée de son individualisme maladif. Le retour au sacré et la recherche spirituelle qui caractérisent notre époque, sont des phénomènes ambigus. Mais plus que l’athéisme, aujourd’hui nous sommes face au défi de répondre adéquatement à la soif de Dieu de beaucoup de personnes, afin qu’elles ne cherchent pas à l’assouvir avec des propositions aliénantes ou avec un Jésus Christ sans chair et sans un engagement avec l’autre. Si elles ne trouvent pas dans l’Église une spiritualité qui les guérisse, les libère, les comble de vie et de paix et les appelle en même temps à la communion solidaire et à la fécondité missionnaire, elles finiront par être trompées par des propositions qui n’humanisent pas ni ne rendent gloire à Dieu.

90. Les formes propres à la religiosité populaire sont incarnées, parce qu’elles sont nées de l’incarnation de la foi chrétienne dans une culture populaire. Pour cela même, elles incluent une relation personnelle, non pas avec des énergies qui harmonisent mais avec Dieu, avec Jésus Christ, avec Marie, avec un saint. Ils ont un corps, ils ont des visages. Les formes propres à la religiosité populaire sont adaptées pour nourrir des potentialités relationnelles et non pas tant des fuites individualistes. En d’autres secteurs de nos sociétés grandit l’engouement pour diverses formes de “spiritualité du bien-être” sans communauté, pour une “théologie de la prospérité” sans engagements fraternels, ou pour des expériences subjectives sans visage, qui se réduisent à une recherche intérieure immanentiste.

91. Un défi important est de montrer que la solution ne consistera jamais dans la fuite d’une relation personnelle et engagée avec Dieu, et qui nous engage en même temps avec les autres. C’est ce qui se passe aujourd’hui quand les croyants font en sorte de se cacher et de se soustraire au regard des autres, et quand subtilement ils s’enfuient d’un lieu à l’autre ou d’une tâche à l’autre, sans créer des liens profonds et stables : « Imaginatio locorum et mutatio multos fefellit ». C’est un faux remède qui rend malade le cœur et parfois le corps. Il est nécessaire d’aider à reconnaître que l’unique voie consiste dans le fait d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les appréciant et en les acceptant comme des compagnons de route, sans résistances intérieures. Mieux encore, il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leur voix, dans leurs demandes. C’est aussi apprendre à souffrir en embrassant Jésus crucifié quand nous subissons des agressions injustes ou des ingratitudes, sans jamais nous lasser de choisir la fraternité.

92. Il y a là la vraie guérison, du moment que notre façon d’être en relation avec les autres, en nous guérissant réellement au lieu de nous rendre malade, est une fraternité mystique, contemplative, qui sait regarder la grandeur sacrée du prochain, découvrir Dieu en chaque être humain, qui sait supporter les désagréments du vivre ensemble en s’accrochant à l’amour de Dieu, qui sait ouvrir le cœur à l’amour divin pour chercher le bonheur des autres comme le fait leur Père qui est bon. En cette époque précisément, et aussi là où se trouve un « petit troupeau » (Lc 12, 32), les disciples du Seigneur sont appelés à vivre comme une communauté qui soit sel de la terre et lumière du monde (cf. Mt 5, 13-16). Ils sont appelés à témoigner de leur appartenance évangélisatrice de façon toujours nouvelle. Ne nous laissons pas voler la communauté !

Exhortation aspotolique Evangelii Gaudium, pape François, 24/11/2013

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